Autorisez-vous à faire ce que vous voulez, vous verrez, ça fonctionne.
Autorisez-vous à faire ce que vous voulez, vous verrez, ça fonctionne.
Nommée l’année dernière à la tête de la préfecture de la région Bretagne, Michèle Kirry encourage toutes les femmes à oser dépasser les barrières invisibles de l’auto-censure.
Quel parcours vous a conduit jusqu’en Bretagne et aviez-vous imaginé devenir un jour préfète ?
La chose publique m’a toujours passionnée. Je rêvais de devenir fonctionnaire et savais que je servirais d’une manière ou d’une autre. Cela doit être un peu dans mes gènes car je suis fille de militaire. Je n’ai jamais souffert d’aucune auto-censure et mes parents n’ont jamais fait de différence entre mes trois frères et moi. Ils m’ont laissée faire les études que je souhaitais et m’ont encouragée. Ce fut le droit et les sciences politiques afin de passer des concours administratifs. J’ai intégré le ministère de l’Economie et des finances en 1983 et ensuite je suis partie faire des études aux États-Unis où j’ai validé un master de sciences politiques. Quand je suis rentrée, j’ai souhaité préparer le concours d’entrée à l’ENA. A l’époque, j’étais déjà mariée et mère de famille.
Cela n’a pas dû être simple…
Ce fut parfois compliqué mais j’ai pu compter sur le soutien indéfectible de mon mari qui m’a dit: «fais-le, on s’arrangera!». J’ai donc suivi la prépa ENA alors que j’avais un enfant, intégré le cursus enceinte d’un autre et pris mon premier poste en attendant le troisième. Cela n’était pas simple mais je ne voulais pas choisir. Je n’ai pas le sentiment d’avoir été héroïque. Je me suis seulement autorisée à avoir tout: une vie de famille et une carrière ambitieuses. Ce dont j’ai souffert en tant que jeune mère de famille active, c’est cette habitude néfaste et très française qui consiste à organiser des réunions tard le soir. Toute ma vie personnelle a été très perturbée par des horaires à rallonge en soirée.
Parmi les 13 préfets de région, vous n’êtes que trois femmes. Le déplorez-vous?
Je n’ai jamais été une adepte des quotas parce que, souvent, ils donnent bonne conscience. Je préfère réfléchir sous l’angle du vivier. Qu’est ce qui fait qu’on n’a pas assez de femmes à proposer aux postes à forte responsabilité ? Je suis partisane de travailler sur la cause et non sur le résultat, le quota. Il me semble plus enthousiasmant de supprimer les barrières invisibles. Nous voulons être nommées parce que nous sommes compétentes et non parce que nous sommes des femmes. Je n’ai par ailleurs pas le sentiment d’avoir souffert d’une quelconque discrimination au cours de ma carrière, y compris au ministère de l’intérieur qui est un ministère d’hommes.
Vous avez co-signé, au mois de septembre dernier, le 3e plan d’action régional pour l’entrepreneuriat des femmes. Avec un objectif : atteindre 40 % de femmes créatrices d’entreprises en Bretagne d’ici trois ans. Comment y parvenir ?
Sur ce sujet, je pense qu’il est important d’afficher un volontarisme et un optimisme dont les femmes de ma génération peuvent être porteuses. C’est d’ailleurs pour cela que je témoigne afin de dire: «autorisez-vous à faire ce que vous voulez, vous verrez, ça fonctionne». Un message que j’ai beaucoup transmis à mes collaboratrices. Il faut relativiser la vision sacrificielle de la réussite professionnelle des femmes, ne pas en faire une sorte d’exploit. Pour ma part, j’ai gardé le même mari. Mes trois enfants sont parfaitement équilibrés, fiers de leur mère et ils n’ont pas l’impression d’avoir été délaissés. Les réseaux de femmes qui s’épaulent et se conseillent sont de vrais leviers pour venir à bout de l’auto-censure, des représentations qu’on se fait. Le changement viendra aussi des jeunes hommes dont les conjointes travaillent et qui ont envie de voir leurs enfants. Les choses ont déjà beaucoup évolué et c’est réjouissant. Ma fille de 25 ans, par exemple, ne se pose pas les questions que je me posais autrefois. Elle fait des études et elle ne se dit pas que ce sera plus dur pour elle car elle est une femme.
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